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EXPRESSIVE E (RÉ)INVENTE LE “TOUCHÉ”

Avec “Touché”, la start-up française Expressive E va-t-elle bousculer les codes de la musique électronique ? À Paris, son équipe a reçu La Fabrique Culturelle pour présenter son instrument tactile et raconter son aventure musicale.

Dans la masse des start-ups musicales, difficile de se démarquer.

Expressive E y est pourtant parvenu en développant un instrument de musique sobrement appelé “Touché”, qui tente d’introduire le… toucher et la notion d’expressivité dans les musiques synthétique et électronique.
Derrière son design épuré, entre une pédale de piano et un produit Apple, l’instrument est vendu depuis quelques semaines comme l’interface manquante entre le musicien et les claviers ou ordinateurs.

À l’origine du projet lancé en 2013 : Eric Simon et Victor Grimaldi, bientôt rejoints par Alexandre Bellot et Arthur Bouflet. Les trois premiers sont ingénieurs et musiciens confirmés (beatmakers…), le dernier est sound designer de formation et claviériste passé par le conservatoire.

La jeune équipe d’Expressive E a déjà obtenu le soutien de Peter Zinovieff, 84 ans, pionnier dans l’invention de synthétiseurs dans les années 60, comme celui de musiciens parmi les plus créatifs de l’époque.

AUX ORIGINES DE TOUCHÉ

Tout démarre dans un labo de recherche de l’université Pierre et Marie Curie à Paris.

La thématique de recherche initiale ? Trouver une technologie permettant de reproduire le fameux “retour d’effort” (la force renvoyée lorsqu’on appuie sur quelque chose) apporté dès 1928 par la touche d’expression des ondes Martenot, l’un des plus anciens instruments de musique électronique, remis au goût du jour au début des années 2000 par Radiohead ou Yann Tiersen.
“Maurice Martenot avait tout compris en inventant le premier instrument de synthèse expressif”, dixit Arthur Bouflet, chargé du marketing et de la communication chez Expressive E.

Retrouver cette expressivité, c’est l’objectif d’Expressive E. En quatre ans, la famille s’est agrandie : treize personnes occupent désormais les locaux de la pépinière de l’Atrium, à Montreuil.

Avant cela, boostés par le financement d’une société accélératrice de transfert de technologie investissant dans des brevets issus de labos de recherche (SAT), Expressive E avait eu la chance de poser ses claviers, ordinateurs et imprimantes 3D au 104factory, l’incubateur de start-ups du Centquatre-Paris.

 DES MUSICIENS DE LA SCÈNE DE BRISTOL COMME AMBASSADEURS

Mais même avec le coup de pouce financier d’investisseurs comme Matthieu Pigasse, inventer et commercialiser un instrument innovant reste un parcours du combattant.

Alors, Expressive E commence par embaucher des juniors plutôt que des seniors. Avec un mot d’ordre : do it yourself.

Surtout, ces passionnés “décident de développer le produit main dans la main avec des artistes en fonction de [leurs] sensibilités”.
Listant les personnalités qu’ils rêvent de rencontrer, ils parviennent à entrer en contact avec quelques uns des plus éminents musiciens de Bristol comme le guitariste et claviériste de Portishead, Adrian Utley, John Baggott, claviériste de Massive Attack, Portishead et Robert Plant, ou encore Matt Robertson, autre musicien britannique, producteur et directeur musical pour Björk, Anohni ou The Cinematic Orchestra.

Difficile de trouver meilleurs ambassadeurs !

Adrian Utley (Portishead), Matt Robertson (Björk, Cinematic Orchestra…), John Baggot (Portishead, Massive Attack, Robert Plant) et le français Rone parlent de Touché :

Le président d’Expressive E, Alexandre Bellot, se souvient des premiers pas de la start-up : “Au départ, c’était l’aventure. On allait à la rencontre des artistes en camionnette, avec nos prototypes réalisés sur imprimante 3D. On leur confiait le produit pour quelques semaines, puis on revenait ou on l’améliorait en fonction des retours de mails.” À force d’observations, de tests et de réitérations, l’instrument a fini par voir le jour cette année, laissant derrière lui un “cimetière des versions tests”.

DÉMO

Touché est associé à un logiciel développé par Expressive E, se connecte à n’importe quel synthétiseur, clavier maître MIDI ou ordinateur.

La prise en main est immédiate grâce à la skin (“peau”) : une touche de bois cachant un mécanisme de lutherie permettant le fameux retour d’effort.
Comme pour le violon ou la guitare, une main joue les notes tandis que l’autre se charge de l’expression. “La skin est vivante grâce aux technologies de captation des gestes”, explique Arthur Bouflet. “On dispose de gestes novateurs et très sensuels, sensitifs, réactifs” : caresses, tapotements, pressions… Loin des séquenceurs pas très “sensuels”.

Grâce à son interface intuitive et tactile, “l’instrument s’adresse à des instrumentistes en quête d’une plus grande virtuosité mais aussi à public pour qui la barrière technique de la musique électronique était trop importante”, explique Alexandre Bellot. Il suffit d’avoir le sens du rythme. “C’est véritablement un instrument de performance live permettant de s’exprimer comme on parle. C’est d’ailleurs le sens de la lutherie moderne : faire jouer sur le même instrument virtuoses et débutants.”
On est loin d’avoir exploré toutes les possibilités du Touché.

Yohav Oremiatzki